Praeparatio.

Altar s'était levé tôt comme l'exigeait sa routine: Debout à 4h du matin, lavé entièrement à 4h10, parfumé à 4h11, coiffé à 4h12 et habillé à 4h15. Sa rigueur lui permettait une préparation rapide, mesurée au millimètre, propre et distinguée: Tout ce qui lui convenait, tout ce qui le représentait et tout ce qu'il aimait en soit. Le moustachu détestait perdre son temps, ou avoir l'impression de le perdre tout du moins, alors il optimisait ses moindres faits et gestes. Aucun mouvement superflu ne s'observait lorsqu'il avançait. Aucune surprise ne le surprenait ou le déstabilisait. Et si, par malheur, quelque chose venait à s'insérer dans son emploi du temps et qu'il ne pouvait tout simplement pas l'ignorer, il s'adaptait. Il battait en duel le destin qui cherchait à l'entraver. Voilà pourquoi il dominait, voilà ce qui faisait de lui un gagnant, voilà ce qui lui donnait l'apparence d'une sorte de colosse indomptable.

Aujourd'hui, un rendez-vous avec ses subordonnés archéologues fut organisé. Altar marcha très vite vers la salle de réunion et, sans une once d'étonnement, arriva le troisième. Il s'assit en bout de table comme à son habitude et regarda sa montre à gousset: Dans exactement 4 minutes et 23 secondes, tout le monde sera là ou des licenciements auront lieu.

Le Monolithe connaissait tout le monde, mais les deux premiers constituaient son cercle proche: Ophéra pour commencer, l'avait suivie depuis son arrivée au Manoir Gris. Elle pratiquait sa passion comme une véritable machine et pouvait se targuer de ne donner que des avis pertinents; Scott apparaissait comme un petit rigolo aux yeux de ceux qui ne le connaissaient pas car son côté charmant prenait systématiquement le dessus. Néanmoins, derrière son sourire enjôleur se cachait une haine de ceux qui prennent les choses pour acquis et des tire-au-flanc. L'une jouait le rôle de la théoricienne, celle qui opère dans l'ombre et qui est intouchable, l'autre devenait le "chef de troupe", celui qui pouvait tout autant motiver que renvoyer ses camarades. Leurs rôles en tant que bras droit et bras gauche étaient pris très au sérieux au sein du Pacte Titanesque, le groupe d'archéologie privé d'Altar.

Vous êtes en retard, patron. lâcha Scott, le sourire aux lèvres. Ledit patron n'en fit rien. Tout juste effectua-t-il un mouvement de sa main suffisant pour libérer son Solaroc et son Séléroc de leurs Chrono Balls. Le jeune adulte aux cheveux verts ricana dans son coin, avant de se prendre un coup à l'arrière du crâne par Ophéra, ce qui le fit râler. Celle-ci s'enquit de demander en voyant les deux Pokémons: Vous allez quelque part ?
Je compte partir à la frontière de la Route 0. Vous savez tous les deux que cette chaîne de montagnes m'intéresse. Le Pacte s'occupe déjà des recherches à Lunal-En-Bas et aux alentours de la faille en mon nom, je compte explorer le nord. De plus, je ne supporte pas Monsieur Niéh.

Les deux acquiescèrent et ne dirent rien de plus. Toutes les informations nécessaires avaient été énoncées et, de toute façon, les autres membres du Pacte commençaient à arriver. Une fois tous regroupés (à l'heure, qui plus est), Altar se leva et déclara le début de la réunion. La montre à gousset retentit exactement trois heures plus tard et toutes les personnes présentes se turent. Déclarant la fin de la réunion, le chef salua ses employés et prononça un mot: Dispergere. Si ce mot ne signifiait probablement rien pour le commun des mortels, ce fut un mot suffisant pour les deux Pokémons qui l'accompagnaient. Ils se mirent à tourner autour de lui et, quelques instants plus tard, l'homme se retrouva à la limite de la Route 0, le dernier chemin praticable avant de s'aventurer dans des lieux trop... Sauvages. Lieux qu'il finirait par dompter, un jour, avec la Team Prisme.

Quels étaient les secrets que pouvaient bien renfermer cet endroit ? Aujourd'hui, Altar s'aventurait un peu plus loin: Il explorait, il cherchait et, évidemment, il découvrait. Si elle trônait de son point de vue comme la plus passionnante et sous-estimée du lot, il savait malgré ça que la Route 0 n'attirait pas que les férus d'histoire, mais aussi les casse-cou et les curieux. Ces deux adjectifs, possibles qualités tout comme possibles défauts qui pouvaient être mis à profits si bien exploités. Tout ce raisonnement l'amena à se demander si tomber sur une personne lui serait plus utile ou plus contraignant... Dans tous les cas, il connaissait le risque et il était paré.

La question n'était donc pas "Va-t-il rencontrer quelqu'un ?" mais plutôt, "Qui va-t-il rencontrer". Après tout, il ne pouvait pas être le seul intéressé par ces précipices et sommets, n'est-ce pas ?

Une tornade de neige, large et haute de quelques mètres, se dressait, impitoyable et insolente, connectant un sol vrombissant à un ciel paradoxalement des plus paisibles. Du cœur du maelström, une silhouette ailée scrutait les environs, enveloppée d'une aura mauve menaçante. Aura qui se répandit lentement sur le sol jusqu'à envelopper des roches de tailles diverses. Lentement, celles-ci s'élevèrent dans l'air avant de s'abattre les une après les autre vers le sol avec une violence redoutable, soulevant des geysers de neige et de terre sur leur sillage. Un, deux, trois, ce furent au total six projectiles qui furent décochés dans un véritable déluge rocheux.

Jaillissant soudain de derrière l'un d'eux une jeune femme, chaudement recouverte d'une parka noire, d'une écharpe blanche, et arborant sur son visage un air sérieux et déterminé, propulsa vers les cieux dans un mouvement parfaitement exécuté une Masse Ball qui s'ouvrit au dessus de l’œil du cyclone. La colossale ombre rocheuse qui en émana tomba avec une telle puissance, une telle lourdeur, qu'elle parut écraser de tout son poids le tourbillon lui même, dont l'effet s'effaça après l'impact. Une poignée de secondes plus tard la neige retombait lourdement au sol, et le Gigalithe ainsi invoqué rugit d'une voix caverneuse et profonde en piétinant lentement le pauvre Cryptéro sauvage qui avait finit sous ses pattes gigantesques.

Le martellement lent et impitoyable du pokémon roche ne paraissait pas motivé à cesser un jour. Et chaque pas qui retombait lourdement sur sa proie enfonçait le duo de quelques centimètres de plus dans la neige. Il fallut attendre ce qui parut une éternité pour que Darmani ne se retrouve interrompu dans son assaut, le corps soudainement enveloppé d'une aura violette et le visage soudainement enveloppé d'une expression de surprise absolue (si tant est que les Gigalithes soient capable d'une telle expression), avant qu'il ne se voie propulsé plusieurs mètres au loin par la projection psychique de son adversaire.

Hilda ne sourcilla pas. Elle gardait le pokémon sauvage en visuel sans s'inquiéter de l'état de son compagnon. Non pas qu'elle n'en tienne aucun cas, bien au contraire. Mais elle savait qu'ils en avaient tous deux vu d'autres et qu'une attaque de ce style ne suffirait pas à mettre le Gigalithe au tapis. Aussi n'attendit-elle pas d'avantage. Brandissant son bras vers le Cryptéro, elle hurla à la volée :

"Latomie Rocheuse!"

Depuis son dos, une série de bosses déformèrent le sol enneigé et fondirent vers leur cible en défigurant la terre comme si des Minotaupes enragés logeant là venaient se plaindre du boucan à leurs voisins du dessus. A peine eurent-elles dépassées la jeune femme que celle ci porta la main à sa sacoche, bondit vers l'avant et courut à leur suite. Le voile de neige s'affina et la silhouette de Darmani réapparut, les pieds plus profondément ancrés dans le sol que précédemment et connectés aux cicatrices souterraines qui prenaient le pokémon psy en chasse. Ce dernier tenta de s'y soustraire, mais l'assaut qu'il venait d'essuyer l'avait éreinté: après un mouvement maladroit qui lui permit d'éviter de justesse la Lame de Roc qui jaillit du sol en soulevant un nouveau mur de neige, il fut malheureusement pris en tenaille par les trois autres qui apparurent presque aussitôt, l'immobilisant et le compressant dans sa position sans qu'il ne puisse rien y faire. Et alors que les derniers crachats de neige obéissaient aux caprices de la gravité, la silhouette de Hilda lui apparut, brandissant une Hyper Ball qu'elle appuya sur son corps rond et multicolore.

Le Cryptéro poussa un cri plaintif dont les échos se mêlèrent à ceux renvoyés par les montagnes dans une déchirante cacophonie, et disparut dans un rayon lumineux dans la sphère qui, après quelques secondes de tremblement, se figea.

Une poignée de secondes tombèrent silencieusement, bientôt suivies par les Lames de Roc et les derniers éclats de neige qui en firent de même, rendant enfin à l'environnement son calme initial.

Hilda venait d'arriver à Lyndis. Elle avait décidé de jauger les pokémon sauvages de la région avant de s'aventurer plus en avant dans la Route 0. Apporter de nouveaux éléments à son équipe faisait également parti de ses projets éventuels. La chance lui avait sourit quand, à peine fut-elle sortie des sentiers battus, un Cryptéro sauvage l'avait agressée sans autre forme de procès. Elle avait accueilli l'ironie de cette région qui l'accueillait avec un pokémon originaire d'Unys avec une euphorie mêlée de nostalgie. Toujours était-il que désormais, l'oiseau runique faisait partie des siens. Elle se détendit, approcha l'Hyper Ball de ses lèvres et, tendrement, murmura ce qu'elle avait décidé d'appeler le dernier membre de son équipe.

"Fubuki."

Le pas lourd du Gigalithe fit se retourner la jeune dresseuse qui ne s'aperçut qu'à ce moment là qu'un spectateur avait rejoint la scène. Dans l'immensité enneigée de ces montagnes naissantes, le vent et les échos lointains avaient perturbé ses sens. Bien que consciente de son ignorance et de son innocence, Hilda ne put s'empêcher de ressentir une pointe de culpabilité. Si l'une des attaques avait atteint ce pauvre malheureux, elle n'en n'aurait eu aucune idée. Peut-être devrait-elle passer plus de temps à s’entraîner dans les plus hautes montagnes de la région pour affiner sa conscience de son environnement ? Après tout ça avait l'air de marcher pour certains...

" Veuillez m'excuser. " Commença-t-elle en descendant avec précaution vers l'individu. Le crissement de la neige sous ses pas semblait une douce mélodie en comparaison du vacarme qui venait d'avoir lieu. " Je ne m'étais pas aperçue de votre présence. Vous allez bien ? "

Ainsi révélée par un air dénué de tempête de neige, par un ciel d'un bleu éclatant et privé de nuages, et dont la blancheur du sol se voyait désormais zébrée de terre jaune et brune, il était plus simple de se rendre compte que la jeune femme portait également un pantalon blanc et des bottines montantes noires aux semelles d'un rouge assorti à celui des motifs de sa casquette. Son visage affichait une sérénité qui ne cherchait pas à masquer la sincérité de son inquiétude, discrète mais naissante.

Praesidium.

C'est lorsque de la neige se retrouva propulsée -accidentellement, sans doute- vers le membre de l'Assemblée que les compétences de Solis et Luna rayonnèrent: Ils tournoyèrent autour d'Altar et stoppèrent chaque particule de neige menaçant de le toucher avec leurs pouvoirs psychiques. Ils en firent ensuite une boule qu'ils déposèrent dans la paume droite de leur commandant, toujours avec leurs pouvoirs télékinésiques. Un sourire échappa au grand gaillard à la vue de leur dévotion, il savait déjà qu'il pouvait compter sur eux, mais observer ce genre d'actions ne le rendait jamais las. Il fit un mouvement de tête vers la dresseuse et son combat, désignant la bête et la femme avec son menton, puis, il commença à marcher, suivi de ses deux compagnons.

Cette neige était attendue. Si on s'aventurait sur une route, il fallait systématiquement s'attendre à rencontrer des combattants ou à se prendre des attaques furtives. Les Pokémons sauvages pouvaient être sacrément vicelards lorsqu'ils s'y mettaient, voilà pourquoi le moustachu s'abstenait de sortir dans des lieux comme ceux-ci sans soutien de la part de ses titans de poche. Il fallait croire qu'une fois de plus, il battait le destin grâce à ses coups d'avance, et ça ne semblait pas s'arrêter. A chacun de ses pas, des projectiles le menaçaient, et à chacun de ses pas, il s'en protégeait sans dire un mot. La télépathie lui apparaissait comme inutile, car les mots, se retrouvant aussi lents qu'elle, n'atteindraient jamais une vitesse comparables à celle de mouvements distincts et clairs.

Son approche appartenait au domaine de la folie, puisque pour quiconque ne se tenant pas à ses côtés, il se présentait comme à découvert, mais lui persistait. Il démontrait sa confiance envers ses subordonnés au monde et ne reculait pas d'un cran. Ni le vent, ni la pluie de neige, ni les séismes ne pouvaient le faire fléchir, et à mesure qu'il s'approchait, sa moue jusque-là agressive et sévère se détendait. Il observait le beau de l'affrontement, ce duel au sommet, cette valse partagée de deux entités souhaitant chacune une chose différente, l'une un nouvel ami, l'autre une liberté totale. Néanmoins, ce n'était pas ça qui le fascinait. Plus il s'approchait, plus la tempête de neige faisait rage aux alentours, mais plus il s'approchait, plus il distinguait la forme de l'humaine qui affrontait le Cryptéro. Ses yeux s'écarquillaient et lorsqu'il arriva en dessous d'elle, proche de son niveau, il fut déstabilisé pendant quelques instants. Cependant, il se reprit en main très vite et répondit à la Légende d'Unys, gardant en main la dernière boule de neige obtenue par ses acolytes qui venait de se former sous les yeux de la dresseuse: Je n'ai rien. Votre combat fut appréciable à examiner. Je reconnais bien là une personne inscrite au Panthéon... Il marqua une pause et laissa échapper un sourire qu'il réprima peu de temps après. ...Madame Hilda. J'avais entendu parler de votre décision de quitter Unys il y'a de ça quelques années, mais jamais je n'aurais cru vous croiser ici.

La personne ayant joint ses forces à Reshiram, rien que ça. D'un mouvement rapide de son bras droit, Altar ordonna à Luna et Solis de patrouiller aux alentours et de l'avertir en cas de grabuge. De cette manière, si un Pokémon s'annonçait, il serait accueilli comme il se doit. Bien évidemment, il prendrait inévitablement la porte en cas d'intentions hostiles vis-à-vis des invités. Ce genre de conduite que l'on pouvait croire être une évidence dans les esprits de tous n'était malheureusement pas tant répandue que ça, au grand désarroi du Mégalithe. Les Pokémon, principalement, n'employaient que rarement les règles de politesse lorsqu'une rencontre s'établissait.

Votre Gigalithe tient une forme digne d'éloges, je peux le voir d'un seul coup d'œil à la forme et la qualité de ses cristaux... Mais assez de compliments. Si ça ne vous dérange pas de répondre, que faites-vous à Lyndis ? L'homme croisa les bras derrière son dos et jaugea rapidement la jeune femme de la tête au pieds. Son regard traversa la personne, ne s'attardant sur aucun détail en particulier, mais notant une bonne partie de ceux-ci dans sa banque mentale. Il désirait savoir quel genre de personne était celle ayant mis fin aux agissements du roi N et de ses troupes de la Team Plasma. Quel genre de personne était la Porteuse de la Réalité.

L'inconnu n'avait rien. Ce constat, qui pourrait s'avérer insignifiant pour certains, ou indigne d'inquiétude pour d'autres, suffit à Hilda pour se détendre et se dérider presque instantanément. Un regard aux deux pokémons qui le suivaient et à la boule de neige qu'il tenait en main en dit plus long à la jeune dresseuse que milles explications. L'individu était accompagné de Pokémons réactifs et fiables. Ce qui leur faisaient un point commun. Point commun qui ne serait peut-être pas le seul que les deux compères partageraient.

En effet, une fois rassurée, Hilda put poser son regard plus longuement sur son interlocuteur. Cette présence, ce port de tête droit comme un cou de Girafarig; le menton haut et la moustache fière comme si ils étaient eux-mêmes Maîtres de la Ligue, et ce costume qui, loin d'être tape-à-l’œil et vulgaire, trahissait le goût de son propriétaire pour le travail bien fait et l'élégance, elle les connaissait par cœur: il s'agissait de l'attirail des entrepreneurs d'Unys. Les self-made-men , les héritiers déterminés, les immigrés avec un rêve et une ambition aussi colossale que leur sens des réalités... Ils étaient nombreux à avoir vu en Volucité la promesse de la concrétisation de leurs fantasmes. Bien sûr seuls quelques élus se montraient à la hauteur de la tâche, le plus souvent grâce à leur égo à peu près aussi gigantesque que les gratte-ciels de la capitale Unysienne. Ce sens du gigantisme, Hilda n'avait besoin que de la flamboyante moustache de l'inconnu pour le ressentir et le retrouver.

Et bien sûr il y avait l'accent.

Evidemment, il lui était impossible de dire seulement en l'observant s'il était de ceux à qui tout a réussi ou qui ont tout réussi. Malgré tout la jeune femme se trouva flattée d'être reconnue. L'orgueil n'avait jamais été un de ses défauts, mais la fierté avait toujours été un de ses atouts. La fierté des exploits qu'elle avait réalisé à la sueur de son front et au péril de sa vie. Peut être qu'au fond ce sens de la satisfaction d'une mission difficile menée à bien était ce qui définissait le plus les gens d'Unys.

Il y eut bien sûr également la fierté des éloges reçues par Darmani. Levant un visage souriant vers le Gigalithe sur lequel elle posa une main affectueuse dont la silhouette transparut au travers de ses immenses cristaux écarlates, Hilda répondit:

"Une nouvelle région, un nouveau défi. J'aurais été sotte de m'y aventurer sans une préparation adéquate. Mais je sais que mes compagnons sont à la hauteur de la tâche. Ils ne m'ont jamais déçue, et je n'ai pas l'intention de leur donner matière à être déçus de moi non plus."

Son visage revint à son interlocuteur, elle soutint son regard et répondit, sans une once de gêne, de timidité ni le moindre trémolo dans la voix :

"En ce qui concerne ma venue à Lyndis, cela n'est pas un secret: La région est naissante, en plein essor, et la Ligue craint la façon dont elle va évoluer. Aussi a-t-elle appelé en renforts, si vous me pardonnez ce terme un peu barbare et militaire, tous les dresseurs qu'elle pouvait trouver. En ce qui me concerne, je ne suis toutefois ici qu'en observatrice. Je n'aime pas les préjugés, et pour l'instant la Team Prisme n'a rien fait de mal à mes yeux. Pour le moment, je ne suis donc là que pour parfaire mon entraînement, découvrir cette nouvelle région pleine de mystères, et apporter mon aide au plus de personnes possibles."

La guerre silencieuse , la guerre d'influence que menait la Ligue contre la Prisme était connue de tous. Hilda ignorait si d'autres dresseurs et champions des régions voisines étaient déjà arrivés à destination, mais elle savait que nombre avaient été appelés.

Si nous avons évoqué tantôt l'absence de gêne et d'hésitation dans l'attitude d'Hilda, c'est parce qu'elle avait hautement conscience de la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle ignorait tous des intentions, objectifs et de la raison de la présence de son interlocuteur, et pourtant elle n'affichait aucune crainte. Elle savait que si une menace se présentait à elle; elle serait en mesure d'y faire face. Et que si elle devait se retrouver face à un adversaire qui lui serait supérieure, elle avait les outils pour s'en sortir. Si l'inconnu voulait un aperçu du genre de personne qu'était la Porteuse de la Réalité, et s'il était capable d'analyser des signes si subtils, il ne tarderait pas à s'en faire une idée.

"Je suis flattée que vous n'ayez pas besoin que je me présente. Mais je suis navré de vous dire que je ne puis vous rendre la politesse. Monsieur...?"

Car peu importe tout ce qu'elle avait réussi à percevoir chez l'inconnu d'un simple coup d'oeil, elle n'avait toujours pas son nom.

Amare.

L'amour avait toujours été une force chez les grands dresseurs, et Altar connaissait ce dogme: "Aucun combattant ne se dresse haut s'il n'a pas confiance en ses compagnons, et les Pokémons ne sont pas une exception." Cette citation lui venait de Monsieur Rêve en personne et il la prenait très au sérieux, en réalité, c'était certainement ce qui l'avait poussé à établir de tels liens avec ses acolytes, humains ou Pokémons. Cette attitude était aussi celle qui insufflait le respect chez ses subordonnés: Si le moustachu ne faisait jamais de cadeaux (au sens figuré, il lui est arrivé d'offrir quelques petites choses à ses employés), il restait quelqu'un de juste et de droit, ayant toujours estimé ceux qui l'entouraient à leur juste valeur. Il exigeait de la rigueur, mais il savait comment la former et il le rendait bien.

Voilà la raison pour laquelle il respectait Hilda. Les directives qu'elle donnait à ses camarades lors des combats étaient claires, concises, réfléchies et lui avaient permise d'atteindre les sommets les plus vertigineux. Qu'elle le sache ou non, son âme demeurait celle d'une commandante et d'une guerrière, tout comme lui: Pour être plus clair, il se retrouvait en la jeune fille sous bien des aspects. La confiance qu'elle démontrait en ses compagnons -plus qu'admirable par ailleurs- en était une, tout comme son envie de conquérir, de s'étendre ou de voyager... A ses yeux, plus elle parlait, plus elle confirmait sa thèse: Ils partageaient le même sang, venaient de la même terre, ils gardaient leur état d'esprit Unysien. Les Unysien avaient toujours eu cette folie des grandeurs, coincée entre l'Idéal et la Réalité, cette envie de plus; cette espèce d'ambition plus motivante qu'entravante qui les poussaient sans cesse à avancer. Ce côté arrogant mais pas trop qui faisait tout leur charme, qui leur permettait de chercher plus.

Les mots de la jeune fille ne troublèrent pas le quarantenaire à en devenir, bien au contraire. Il lui répondit après un petit temps de pause:Je me nomme Altar et je suis, entre autres, un archéologue venu faire des recherches. Voyez-vous, je suis persuadé -et ça n'a pas du vous échapper, fine exploratrice que vous êtes- que ces montagnes cachent quelque chose. Peut-être une porte menant sur un monde que le seigneur Arceus lui-même a damné, ou une passerelle directe vers l'espace et ses mystères; ou tout simplement quelques artefacts anciens ? Nous n'en saurons rien si nous restons cloîtrés dans nos bottines à nous tourner les pouces et je suis plus un homme d'action que quelqu'un s'amusant des bureaux, contrairement à ce que ma tenue laisserait entendre... Tenez, voici ma carte de visite. Ce serait un plaisir de travailler avec vous, si l'envie d'explorer le nord de l'île plus en profondeur vous prend. Il s'approcha pour lui remettre, la tendant du bout de son bras droit. De l'autre côté, il rallongea sa main gauche vers elle dans l'optique de proposer une poignée de mains célébrant leur rencontre, gardant malgré tout cette mine froide et agacée sans en penser quoique ce soit pour autant.

Néanmoins, il ajouta avant qu'Hilda ne puisse répondre, comme pour la prévenir: C'est intéressant que vous soyez venue sous couvert d'aider la Ligue tout en exprimant n'être qu'une observatrice... Non, en réalité c'est très intéressant. Voyez-vous, je suis ici pour des raisons similaires. Tout comme vous, la perspective de participer à l'essor d'une nouvelle région me fascine, mais au delà de ça, j'ai besoin de trouver des personnes qui en veulent; et la Team Prisme répond à toutes mes espérances de ce côté. Il marqua de nouvelle fois une pause. Soyons clairs, je ne suis pas intéressé par l'image qu'ils cherchent à se donner aux yeux du public ou par leur argent, ces facteurs sont bien trop suspects pour que je puisse réellement me baser dessus, après tout personne ne sait d'où viennent les billets et ce ne serait pas la première fois que des organisations tentent de s'attirer les faveurs du public, vous vous rappelez sans doutes des discours de Ghetis, hm ? Non, moi ce qui m'intéresse chez eux, et surtout chez Monsieur Sirius, c'est leur jugeotte. Le courage qu'il faut avoir pour dire "Non" à la Ligue, pour investir dans une terre nouvelle, pour prendre sa vie en main de cette façon et défier le destin pour l'Idéal qu'on souhaite construire. Ce qui pourrait être vu comme de l'inconscience, j'estime ça comme de la prise d'initiative passionnante à suivre. Bien évidemment, je n'ai rien contre les dresseurs, et je ne suis, comme vous, qu'un observateur; observateur bien plus dévoué à ses recherches qu'à cette espèce de guerre d'idéologies. J'estime grandement la Ligue et tout les fonds qu'elle met en œuvre pour protéger les citoyens. Comment oublier la participation des champions contre les sept sages ?

Le moustachu croisait les bras devant cette rencontre incongrue qui lui ravivait énormément de souvenirs. Toute la situation impliquant la Team Plasma se trouvait être si proche et si loin en même temps ! Une poignée d'années durant laquelle il avait lutté contre elle à son échelle, empêchant ces voyous en uniformes de s'infiltrer dans la Forêt Blanche et la Ville Noire avec l'aide de l'Assemblée. Le bon vieux temps comme certains pourraient l'appeler. Peut-être que par la suite, cette guerre froide suivra les pas des autres conflits entre des Teams diverses et la Ligue, pour évoluer sur ce que tout le monde redoute: Une prise de parti.

Le jour où ça arrivera, si ce jour arrive, quel camp prendront vraiment les habitants de Lyndis ?

La carte de visite (pardon ça casse un peu le site):

Il y eut quelques secondes de flottement. De ces instants où la vie se déroule autour de vous à toute vitesse, vous forçant à subir les événements, ne vous laissant un choix simple : suivre le courant ou vous débattre en vain, comme pris dans les déferlantes d'un fleuve à l'embouchure d'une cascade. Hilda avait appris un nom, reçu une carte de visite, et entendu les arguments d'Altar en la faveur de la Team Prisme. Alors que ces quelques phrases, au demeurant anodines, représentaient les eaux et les feuilles déferlant sur elle à toute allure, cette dernière information était un tronc pris dans la transversale du flot. Comment elle allait appréhender cette apparition allait définir toute la suite des événements.

Elle était une femme intelligente, mais une femme d'action. Les longs discours qu'Altar semblait manier avec une maestria déconcertante, ce talent du verbe, cet instinct de la rhétorique, elle n'en jouissait nullement. Mais elle savait en reconnaître les signes et les stigmates. Après tout, comme il lui avait si justement fait remarquer, elle avait fait face à Ghetsis et à la Team Plasma. Hilda sourit, non sans froncer les sourcils d'un air de défi. Elle plongea tête la première sous le tronc, avec l'agilité d'une anguille, consciente que cela signifiait se vouer totalement au courant, et jaillir par la cascade une poignée de secondes plus tard. Mais mieux valait cela que se faire assommer et risquer la noyade.

"Nous sommes des Unysiens. Nous sommes attirés par les perspectives nouvelles, les promesses de grandeurs et l'utopie d'un monde toujours plus grandiose. De ce fait, évidemment que je comprends l'attirance de tout un chacun pour le charisme de Sirius. Et il serait idiot de prétendre que ses actions n'ont pas quelques mérites."

Comme pour faire un pied de nez à l'analogie de la cascade qui nous accompagne depuis quelques lignes, Hilda avait brillamment réussi le tour de force de suivre le mouvement sans se mouiller. Et maintenant il était temps de jaillir de ladite cascade, ventre vers le sol et bras brandis vers l'avant, dans un saut de l'ange majestueux bien que quelque peu suicidaire.

Elle leva la carte de visite au niveau de son visage et rajouta avec un sourire:

"Je vous remercie de votre proposition. Mais pourquoi attendre? A moins que vous ne soyez pressé, je viens d'arriver ici, tout comme vous ce me semble. Si vous voulez m'accompagner dans l'exploration de ces montagnes, je serais ravi de vous emboiter le pas dès maintenant. Et si, comme vous le pensez et comme je le ressens, ces terres ont quelques trésors à nous offrir, sachez que le plaisir de la chasse est pour moi plus grand que celui de la récompense. "

Hilda ne savait pas manier les métaphores et les belles paroles avec la même aisance que son interlocuteur. Mais elle savait que titiller la fibre capitaliste d'un Unysien en lui promettant des gain nettement supérieurs à ses dépenses était en général un pas en avant pour le convaincre. Et si l'individu se vexait d'une évocation si basse, et si vulgaire, d'une approche aussi dédaigneuse de sa personne, il pourrait toujours la mettre sur le compte du jeune âge de la dresseuse et de son manque d'éducation.

Car si elle avait mentionné son appartenance à la Ligue sans crainte et sans sourciller, elle avait été surprise qu'il assume aussitôt son allégeance à la Team Prisme conscient de cette information qu'elle lui avait elle-même fournie. Que cherchait-il exactement? Etait-il un de ces fourbes, comme Ghetsis et ses Sages, qui cherchait toujours moyen de manipuler son entourage? Auquel cas se pencher sur son cas était vital, car la présence de ce genre d'homme dans la Team de Lyndis pouvait s'avérer terriblement dangereux. Ou était-il un de ces rêveurs, comme N, qui se croit si intouchable et si légitime dans ses idéaux qu'il ne réalise pas le danger que ceux-ci représente, pour lui-même ou pour les autres?

Aucune de ces deux possibilités ne parvenait à la convaincre. Des détails dans le discours de l'individu invalidait totalement l'une ou l'autre de ces options. Il semblait à la vérité bien plus subtil et nuancé qu'il n'y paraissait au premier abord. Un mystère presque aussi intriguant que ceux des Hauts Monts. Ou peut-être Hilda n'était-elle juste plus habituée à rencontrer des gens qui disaient simplement la vérité.

Satisfactio.

La réponse d'Hilda se trouvait digne de celles qu'on a tendance à accorder aux héros et héroïnes: Des réponses simples, vagues, visant le plus possible le centre des débats et opinions. Des réponses dictées par leur esprit responsable, leur envie de bien faire et non pas par leurs réelles convictions. Des réponses fausses qui n'illustraient jamais qui ils étaient, mais seulement ce qu'ils représentaient. Altar comprenait son choix, elle n'utilisait que de la logique pour en arriver à cette conclusion, mais il ne le justifiait pas pour autant, et il ne le ferait pas. Tout ce schéma de pensées lui apparaissait comme une erreur titanesque qu'il mettait sur le compte de sa jeunesse: Lui ne sacrifierait pas ses idéaux, même s'il en venait à représenter quelque chose de fondamentalement important, mais il fallait croire que la jeune fille ne portait pas les mêmes valeurs.

Cela ne le dérangeait pas.

Il continuait de la jauger. Ses compétences en combat le fascinaient, la question était de savoir si ses épaules, indéniablement capables de résister à la pression, portaient également un esprit affuté, fin, oxygéné et libre. Servait-elle de poupée de chiffon, faiblement tendue par de longs fils de soie, où se tenait-elle droite face au monde, seule maîtresse de son destin ? Voilà bien une question à laquelle Altar ne procurerait pas de réponse, non pas qu'il ne souhaitait pas s'étendre sur le sujet, mais plutôt qu'il ne disposait ni des informations nécessaires à la prise de décision, ni de l'intérêt requis en la situation pour mener de telles recherches.

Il ne répondit donc pas à ses remarques sur Sirius, se contentant de l'écouter, bras croisés et posture dominante établie: Les deux jambes légèrement écartées avec un air sévère. Ce genre de postures n'avaient pas pour but d'intimider ou de se grandir ou quoique ce soit d'aussi puéril aux yeux du Mégalithe, bien au contraire. Cette position permettait simplement aux autres de le lire, car elle indiquait une confiance indéfectible en sa capacité à gérer la situation. Je suis navré, madame Hilda, je vais devoir vous demander de répéter... commença-t-il, bien décidé à ne pas la reprendre spécifiquement sur un point de ses petites phrases toutes faites, mais bien sur les abysses de cette conversation. Il enchaîna: Vos arguments sont justes et réfléchis, mais ce que vous me dites, je le sais déjà. Ce n'est pas l'état général de la situation politique qui m'intéresse. Ce qui m'intrigue, c'est ce que vous en pensez, vous, et plus en détail que ce que vous avez évoqué plus tôt. Une pression s'installa presque instantanément. Ses mots sonnaient durs comme la roche dont étaient faits ses Pokémons, mais à travers l'éboulement verbal par lequel il questionnait la Légende d'Unys, une pointe de respect et une avalanche de franchise pouvaient être décelées. Son regard, aiguisé par le meilleur forgeron, n'avait pourtant rien de sympathique.

...Vous n'êtes pas obligée de répondre ceci dit, faire confiance au premier inconnu croisé dans une nouvelle région est un pari risqué. Sachez que j'accepte votre proposition. Formons un groupe et ne tardons pas, je suis certain que les trésors du passé meurent d'envie de respirer l'air pur des montagnes. reprit-il peu après avoir zyeuté sa montre à gousset. Il enclencha le petit mécanisme et la rangea presque aussitôt, ce qui fit presque instantanément revenir ses Pokémons. Il effectua quelques étirements légers au niveau des bras et des jambes et sautilla sur place, gardant une respiration sportive. D'un regard, il ordonna à Solis de mener la marche et à Luna de réassurer sa protection personnelle, non pas qu'il en ait tant besoin. La simple chaleur émise par le Solaroc permis de faire fondre la neige se trouvant devant les deux protagonistes, ne laissant place qu'à de la pierre et de la terre. Arceus savait que glisser dans les montagnes à cause d'une mauvaise préparation n'amenait qu'à la mort.

Il ajouta, d'un ton se voulant calme et sec tout en pressant le pas: Nous sommes du même avis. Le savoir et l'approfondissement de nos connaissances sont pour moi la vraie récompense de toute exploration, alors prenez ce que vous désirez, je confierai le reste à un Musée. La totalité des pas du moustachu étaient calculés, à tel point qu'il ressemblait à un automate. Droite puis gauche puis droite puis gauche avec un calme souverain qu'il gouvernait d'une main de pierre dans un gant de métal.

L'intérêt de la récompense ne vient qu'aux avides. Ce que recherchait vraiment Altar dans ces montagnes, c'était quelque chose qui appuyait ses théories sur la création de l'Univers, de l'engendration de la Religion ou qui révélait l'authenticité de certains mythes dans l'Histoire. Ces Hauts Monts intriguaient beaucoup et s'ils étaient certainement moins dangereux que la faille, leur quantité de mystères s'avérait au moins équivalente. L'excitation hérissa les poils sur les bras de l'homme bourru qui refusait tant bien que mal de mettre la charrue avant les Tiboudet. Sa montre avait été claire: Il disposait d'environ 3 heures à dévouer pleinement à ses recherches et expériences, voilà qui serait amplement suffisant. Maintenant qu'une dresseuse du gabarit d'Hilda l'accompagnait -si elle désirait toujours l'accompagner après ses dernières paroles, tout du moins-, fouiller et explorer se révèlerait une partie de plaisir.

Et pour la première fois depuis le début de la conversation, Altar souriait.

Hilda ne répondit rien. Elle aurait dû s'attendre au fait que ce genre de réponse n'allait pas satisfaire la curiosité d'Altar. Mais que pouvait-elle ajouter? Tout "neutres" qu'ils étaient ils s'étaient l'un et l'autre rangés d'un côté de la barrière. Certes, ils semblaient accoudés à celles-ci, discutant en buvant un Coca Colimucus(tm) pendant que derrière eux les extrêmes se tenaient en joue, fusil à la main, mais ils étaient chacun d'un côté de la barrière tout de même. Et au moindre mouvement suspect de leur interlocuteur, ils savaient très bien qu'un simple bon en arrière les mettrait à la fois à couvert de cette influence, et à découvert des assauts adverses.

Non, cela n'était pas la vraie raison. Nous l'avons dit, Hilda n'était pas une grande oratrice. Au contraire ses expériences avec la Team Plasma lui avaient donné une sainte horreur des grands et beaux discours. Aussi ne s'y était-elle jamais formé. Ses instincts et son sens inné du combat, elle les avait cultivés, nourris au gré de ses expériences. Mais pas son sens du verbe. Elle n'avait rien à répondre car son esprit ne savait juste pas comment appréhender cette réponse. Elle n'était même pas sûre de ce qu'elle voudrait dire.

Elle avait voulu l'agresser, lui rentrer dedans. Pendant une fraction de seconde l'idée de lui faire remarquer qu'après tout son avis ne regardait qu'elle, et que s'il cherchait tant que ça à la sonder, c'était bien qu'il était louche, lui avait traversé l'esprit. Mais cet élan négatif ne jaillit jamais de sa gorge. Car le saisissant à la cheville, l'empêchant de sortir, trônait là impérial et gigantesque le savoir qu'elle valait mieux que ça. Hilda était une héroïne. Une élue. Et même si elle n'aurait jamais utilisé ces termes pour se définir, il y avait une chose dont elle était sûre, c'est qu'elle n'était pas une idiote immature, susceptible et agressive. Faire montre d'une pareille disproportion envers quelqu'un, peu importe notre peur, n'était ni sage ni convenable. Et elle n'était pas arrivé là où elle en était aujourd'hui en laissant s'exprimer sa part sombre, sa part idiote. Elle était arrivé là où elle en était aujourd'hui, au contraire, en cherchant à toujours devenir quelqu'un de meilleur.

Aussi emboita-t-elle le pas à l'Unysien en silence, dans le sillage de la chaleur de son Solaroc.

Quelque minutes passèrent.

L'esprit de l'escalier est une chose terrifiante. Plongé dans le flot d'une conversation, votre cerveau dresse des murs, des parois vous empêchant de participer à ladite conversation en cours, et ne les rabaisse que bien plus tard, une fois que personne n'est là pour profiter de vos arguments. Dans l'immense majorité des cas, il a été prouvé qu'il s'agissait d'un mécanisme de défense de l'inconscient qui se sent en position de faiblesse ou d'agression dans son argumentation. Même si vous possédez les meilleurs arguments du monde, une part de vous se sent mise au pied du mur et refuse de les relâcher, comme si prendre ce risque revenait à s'exposer à une frappe nucléaire du plus bel effet. En général, il fallait une poignée d'heures pour s'en défaire. Quelques jours pour les plus fragiles. Et le plus souvent, vos arguments se manifestent à votre esprit au lit, sous la douche, ou dans une discussion qui n'a plus rien à voir et où essayer de les remettre sur le tapis ferait de vous un susceptible ou un idiot.

Mais Hilda était une combattante. Et les barrières protectrices que son esprit avait érigé autour de cette discussion s'abaissèrent en cette poignée de minutes durant laquelle le duo s'était élancé à la conquête de la montagne. Jusque là silencieuse, elle prit enfin le temps d'adresser de nouveau la parole à son compagnon de fortune, plus détendue :

"Je pense hélas.... que si je ne sais que vous répondre, c'est parce que je ne sais moi-même que penser. Et si je ne sais que penser, c'est justement parce que je n'ai moralement pas le droit de m'exprimer sur le sujet."

Relevant la tête, elle laissa son regard plonger sur la chaîne de montagne qui leur apparaissait à l'horizon, baignée dans la lueur légèrement dorée de cette belle matinée.

"Contrairement à l'immense majorité des gens je n'ai jamais été délaissée par le monde. La Ligue ne m'a jamais trahi, le système judiciaire et légal d'Unys jamais mis en tort. La Team Plasma n'était qu'un spectacle lointain, fascinant et convainquant, mais je n'ai jamais souffert ni de leur influence ni des conséquences de leurs actions sur mes propres amis, contrairement à de nombreux dresseurs qui se sont vus séparés des leurs." Son sourire s’effaça. Dans son cœur le souvenir des gens désemparés, privés des pokémons qu'ils avaient libérés après les avoir eu à leurs côtés toutes leurs vies, qu'elle avait rencontré à la fin de ses aventures à Unys était toujours aussi vif et poignant qu'à l'époque.

"Qui suis-je pour me dresser contre la Ligue alors qu'ils m'ont offert un rêve d'enfant, un idéal à accomplir, et une fois cet idéal atteint m'ont gratifiés de missions, d'opportunités et de perspectives toujours plus larges? Qui suis-je pour me dresser contre la Team Prisme si celle-ci offre réellement de réaliser les rêves de ceux qui ont été délaissés par la Ligue, et qui ne veulent, comme vous et moi, qu'une chance de se faire un nom dans ce vaste monde? Vous avez raison. Sirius est un homme courageux et entreprenant. Et en d'autres circonstances je ne pourrais que me réjouir de son apparition. Mais j'en ai trop vus de similaires. De mon expérience auprès de Ghétis aux récits de mes camarades au sujet de Lysandre ou de Shehroz, ils partagent tous le même profil : Un leader charismatique qui rêve de changer l'ordre établi. Et si, en surface, ce rêve mérite toujours considération, leurs méthodes délaissent toujours les plus faibles et les plus démunis."

Elle se retourna vers Altar et lui sourit. D'un sourire cette fois beaucoup plus sincère et détendu. Elle avait mis le doigt sur ce qui la travaillait, et maintenant qu'elle pouvait l'évoquer, elle s'en sentait libérée.

"C'est pourquoi je ne peux prendre parti. Ma loyauté, mon allégeance, au fond, n'est ni à la Ligue ni à un autre leader. Elle est aux pokémons et aux gens que je veux protéger de ces menaces sourdes dont le monde regorge. Et si demain un conflit éclate, je ne me rangerai à aucun idéal, je me rangerai du côté de ceux qui ont besoin de mon aide."

Après tout, n'était-elle pas la détentrice de la Réalité? Vas-y, c'était bien comme phrase finale ca. Elle allait l'utiliser.

"Après tout, ne suis-je pas la dé...."

Son effet fut coupé net par un son tonitruant qui fit trembler le sol et vibrer les monts visibles au loin. Les nuages se dispersèrent sous le geyser sonore qui se déversa dans les cieux. Ce mouvement dans l'air permit aux deux explorateurs de repérer à peu près la source de ce chaos auditif qui, s'il venait à se répéter, les menaçait définitivement de se prendre une avalanche sur le coin de la gueule...

Ce son, massif et assourdissant, avait jaillit d'une petite cavité à flanc de montagne, non loin de la tranche abrupte du pic qui leur était le plus proche. L'effet de résonance de la grotte avait évidemment rendu ledit bruit bien plus impressionnant qu'il n'était sensé l'être, mais ne ressemblait malgré tout à aucune déformation sonore qu'Hilda avait pu entendre au cours de ses voyages. Son regard se focalisa dans la direction de la grotte et ses sourcils se fronçèrent.

"Cela ne ressemble pas à une simple grotte... C'est comme si le son avait rebondit pendant des heures avant de jaillir de ces murs... Je n'arrive pas à identifier à quel pokémon il appartient mais quoi que ce soit, il se trouve loin, très loin sous terre."

Les chances qu'un temple ou qu'un secret digne de ce nom se trouve si rapidement après avoir quitté la route 0 étaient minimes.... sauf si tous les explorateurs et équipes de recherche qui s'y étaient rendues jusqu'à présent avaient décrété que, après tout, l'exploration c'était surfait et que le nouveau truc à la mode c'était la survie.

Mysterium.

Cela faisait maintenant plusieurs minutes qu'Altar avait terminé de parler. Le silence de la jeune femme ne l'étonnait pas, car au delà de l'inexpérience évidente dans ses capacités argumentatives, sa question en elle-même s'éloignait du cadre gentillet et léger qu'on accorderait habituellement à des discussions entre inconnus ou connaissances. Ils n'étaient pas sur du "Il fait beau aujourd'hui, tu ne trouves pas ?", non. Le moustachu tapait vite et fort: Il questionnait directement Hilda sur ses positions. Pour quoi se battait-elle ? Que faisait-elle ici ? Qu'est-ce qui la poussait à se ranger de ce côté de la barrière massive qui les écartait l'un de l'autre ? Qu'elle prenne du temps à répondre ou qu'elle refuse de le faire ne dérangeait absolument pas l'unysien, ça ne le dérangeait pas car elle ne cherchait pas à s'enfuir: Elle ne semblait pas mentir, elle ne posait pas de questions en retour, elle cherchait simplement la vérité, elle réfléchissait, elle tendant l'oreille à son cœur.

Il respectait cette attitude. Pour cette raison, il ne dit rien de plus pendant un long moment. Persuadé en son fond intérieur qu'elle ne le laisserait pas dans le silence trop longtemps. Pourquoi cela ? Pour la simple et bonne raison qu'elle le suivait. S'échappait-elle à la moindre contrariété, au plus maigre problème, au conflit le plus soudain ? Elle aurait pu, mais alors pourquoi ne pas le faire ? Elle venait d'y répondre en restant à ses côtés, en proposant une avancée à deux plutôt que seule de son côté dans cette chaîne de montagne où le distancer relèverait d'une partie de plaisir et ne poserait, au pire, qu'un léger contretemps. Au lieu de ça, elle lui emboîtait le pas. Entre fuir et combattre, elle choisissait de tenir la ligne, d'affronter la guerre, l'espèce de titan qui s'étendait devant elle: La montagne de muscles, le Mégalithe, celui qui semblait presque avoir doublé de taille depuis le début de leur rencontre, avec cette pression infâme, son regard sévère qui n'en démordait pas, ce sens du parfait et de l'étiquette.

Puis ce maudit tic-tac-tic-tac de sa montre à gousset, qui laissait ressentir chaque seconde comme si elle était un coup de marteau directement appliqué sur le crâne des personnes en stress. Un cliquetis digne d'ossements funèbres, d'un coup de crâne de Malosse, ces bruits qui sonnaient, résonnaient, vrombissaient, tintaient et retentissaient. Tic. Tac. Tic. Tac. Ils grandissaient, ces bruits. Ils devenaient plus forts, plus longs, plus larges, cela fonctionnait presque comme de la torture passive quand on se concentrait dessus. Tous les autres sons devenaient désuets à côté, ça captait l'attention, ça déstabilisait, avec ce genre d'atouts, il était aisé de faire la différence entre ceux qui pouvaient échapper à cette sorte d'hypnose mécanique et les autres, qui s'irritaient comme des bêtes sauvages, perdaient leur calme, abandonnaient leur santé mentale à cause d'une Simple. Petite. Mélodie.

Tic.

Hilda reprit la parole et Altar écouta attentivement tout ce qu'elle eut à dire, sans se retourner. Il hochait la tête occasionnellement, tout à fait d'accord avec quelques-uns de ses points, comme l'interdiction morale de s'exprimer sur ce type de sujets, qu'il avait relevé dans ses pensées un peu plus tôt. Toutes ses paroles débordaient de sensibilité et de sincérité. En plus de ça, elles trouvaient complètement leur sens et expliquaient parfaitement son point de vue. La jeune femme pouvait bien penser ce qu'elle voulait, elle n'avait pas besoin d'être une grande oratrice pour se faire comprendre, et encore moins pour convaincre. Sa dernière phrase lui fit écho et, dans un extrême acte d'impolitesse, il alla pour la couper. Non pas pour la rabaisser, la critiquer ou rétorquer sur l'un de ses points, mais pour la féliciter, lui donner un ultime compliment lié à son vrai titre: Non, elle n'était pas QUE la Légende d'Unys, ce qui, soyons franc, restait tout de même un titre qui claquait. Elle était la détentrice de la Réalité, la gardienne de Reshiram et malgré ça, elle se questionnait encore sur QUI elle était pour se dresser contre ce qui lui semblait injuste ou juste ? Il s'exprima alors, ne retenant plus ses paroles: Vous êtes la dé...

Quel timing. Ce fut à ce moment précis qu'un son tonitruant se déclara et fit trembler la terre. Ce même son, capable de rivaliser avec celui de sa montre. Altar laissa partir sa mine sombre et sourit, affichant ses magnifiques dents blanches qui brillaient au soleil du bon matin. Il claqua ensuite des doigts, ce qui capta -étonnamment pour les non-habitués, à croire qu'un bruit et geste si faible pourrait se faire remarquer- l'attention de ses deux Pokémons. Les deux astres se replacèrent autour du Mégalithe. Si un tel bruit refaisait surface, ils savaient que ce serait à eux et à leurs pouvoirs psychiques de protéger les deux explorateurs d'une avalanche.

Voilà qu'apparaissait une menace dans leur escapade. Etait-ce une sorte de divinité qui les mettait à l'épreuve, Ligue et Team Prisme, main dans la main contre un adversaire commun et ce, peu de temps après leur arrivée dans la région ? L'Histoire se répétait donc ? Après les forces jointes de la Team Aqua et Magma, c'était désormais à leur tour de devenir des ennemis avec bénéfices... L'Espace entier pourrait être témoin de cette alliance -parfaitement orchestrée géographiquement- contre le danger. Le regard d'Altar se concentra rapidement sur la cavité et, après avoir écouté Hilda, il répondit: C'est notre devoir de nous en occuper. Ce n'est plus qu'une simple question d'archéologie et de risque de perdre à jamais des vestiges du passé ou des trésors perdus. Ce sont désormais des vies qui sont en jeu, humaines comme Pokémons. Le Pokémon qui produit ce bruit n'est certainement pas le seul de son espèce à vivre dans les montagnes, et un seul d'entre eux pourrait générer une avalanche avec ces hurlements. S'il réveille ses compères eux aussi enfouis dans des grottes et qu'ils se mettent aussi à rugir... Pire. Si dans le pire scénario imaginable ils sortent de leurs trous... Les dégâts infligés par leurs grondements seront in-quantifiables. De même, je ne serais pas surpris qu'ils s'étendent aux villes alentours. Nous ne sommes pas tant avancés sur la Route 0 après tout, et il provoque déjà de tels effets en étant si loin sous terre...

Il s'agenouilla et posa sa main sur le sol, comprenant aisément que l'épicentre du choc sismique se trouvait plus proche de la cavité. C'était une bonne nouvelle, car ça voulait dire qu'ils devaient plus s'enfoncer dans la Route 0 pour déceler le cœur du problème: Tout cela mettait théoriquement moins de vies en jeu, mais le temps était compté. Le cliquetis se refit entendre, et cette fois-ci, il n'avait plus du tout la même tonalité. Il devenait un véritable compte à rebours. Faire taire le monstre, voilà ce qu'ils visaient. Et s'ils pouvaient au passage chopper deux trois trésors archéologiques...

Alors les deux compères se mirent en route. Ils avancèrent vite jusqu'à l'embouchure et lorsqu'ils y arrivèrent, ils furent accueillis par un paysage plutôt... Classique, pour le lieu. L'entrée regorgeait de matériel d'expédition, tantôt usé, tantôt neuf. Il y'avait même des outils utilisés pour de la recherche archéologique de qualité, mais peu importe où le duo pouvait poser les yeux, personne d'autre qu'eux ne se trouvait à l'entrée. Altar s'approcha des bagages et commença à parler: ...Ils ont du s'échapper d'ici. Ou alors leurs horaires de travail font qu'ils ne sont pas encore arrivés au travail. Regardez, Hilda. Leurs équipements sont intacts ET usés. Il n'est pas omis que certains soient encore en bas, mais je ne miserai pas là dessus si je devais choisir une théorie. Faites-moi signe quand vous serez prête à descendre. Je m'en remets à vous. Le caractère enneigé du lieu jouait beaucoup sur la structuration de l'environnement, car devant eux s'annonçait une sorte de mer de cristaux. Ils jonchaient les murs et semblaient éparpillés sur le sol, tout en laissant suffisamment d'espace aux Pokémons ou aux humains pour passer. Ce passage cristallisé ne semblait pas récent et, s'il était magnifique, sa dangerosité se prouvait d'un simple regard. Ou plutôt, la dangerosité de ce qui s'y trouvait au bout. Des installations minières se mariant étonnamment bien avec l'environnement s'étendaient sur les parois. D'un geste vif, le moustachu laissa sortir un autre de ses compagnons et Gemma fit son entrée.

"Faites-moi signe quand vous serez prête à descendre."

Hilda n'allait pas "être prête". Elle était née prête. Son visage sérieux acquiesça fermement et, sans autre forme de discourd, elle porta la main à sa ceinture, rangea la Masse-Ball de son Gigalithe, et dégaina la pokéball de Piccolo, son Majaspic, et la LuxeBall de Friede, sa Trachodon. L'immense dragon à tête de hache apparut dans un geyser de lumière étoilé qui se répandit dans la cavité, rebondissant sur les cristaux les plus proches, donnant pendant une fraction de seconde une teinte onirique à la scène, avant de revenir se perdre dans les méandres profonds de ses écailles noires de jais. Le sol trembla sous ses pieds tandis que le reptile prit position avec une telle délicatesse, une telle souplesse, une telle discrétion que c'était comme s'il n'était même pas là.

Un pokémon plante et un pokémon dragon. Cela devrait suffire à couvrir les éventuelles surprises qui risquaient de s'offrir à eux, le strassie de son camarade complétant l'équipe.

L'aura même de Hilda avait changée. Disparue la jeune femme timorée, craintive et indécise. Envolée les doutes et les interrogations. Ce cri avait réveillé sa soif de découverte, ce décor avait saisi sa curiosité aux tripes, et ces outils éparpillés au sol avaient réveillés son sens du devoir. Il n'était plus l'heure de discuter, il était l'heure de s'élancer à la découverte de l'inconnu. Cette aura, Altar la reconnaitrait sans peine, c'était celle de la combattante qu'il avait perçu à la première seconde où il l'avait vue affronter un Cryptéro sauvage.

Le groupe s’avança dans les dédales de cristaux de la grotte avec fermeté mais précaution. Le Majaspic lézardait le sol et les murs, se pendant parfois d'un cristal à l'autre avec une souplesse et une efficacité toutes reptiliennes. Hilda, quant à elle, marchait d'un pas déterminé et vif, mais non sans prendre gare à son environnement. Les quelques fois où un cristal leur bouchait la route, un mouvement de tête de son dragon suffisait à leur déblayer le chemin. A deux ou trois reprise un Ténéfix ou un Nodulithe avait bondit devant eux en hurlant pour faire peur à ces envahisseurs venus d'ailleurs. Il était difficile de dire si c'était l'imposante silhouette de Friede ou le regard sévère de la championne d'Unys, mais ils ne restaient jamais très longtemps pour tailler le bout de gras.

Alors que leur progression se faisait sans encombre, apparut devant eux la première épreuve de la grotte. Une épreuve redoutable, terrible. Une épreuve qui faisait froid dans le dos et qui terrorisait n'importe quel couple voulant aller diner au restaurant : Un choix à faire. En effet, la grotte se séparait non pas en deux, mais en trois chemins distinct. Comme pour allier l'insolence à la moquerie, le paysage naturel de la cavité semblait se métamorphoser aux trois routes qui s’enfonçaient dans les profondeurs des montagnes: les cristaux de l'une d'elle tiraient de plus en plus vers le bleu, la seconde vers le vert, et la troisième vers le blanc. Tant de couleurs froides qui, malheureusement, n'aidaient aucunement les explorateurs à se repérer sur le meilleur itinéraire à emprunter.

Hilda ouvrit la bouche pour parler. Mais avant que le moindre son ne quitte le rose de ses lèvres, deux cristaux se détachèrent du plafond pour fondre dans sa direction tandis qu'un autre fut décoché du mur face à elle pour essayer de l'empaler. Alors que les trois projectiles atteignaient leur cible, celle-ci n'était déjà plus là, se redressant quelques mètres plus loin après une roulade digne d'une production FromSoftware qu'elle avait réalisée avec une telle vivacité, une telle maestria, un tel instinct de survie, qu'il ne lui manquait plus que des cheveux argentés pour parfaire la scène.

Friede s'élanca, planta de toutes ses forces sa tête dans le sol, et un rugissement caverneux se fit entendre. Dans le même temps, Piccolo, suspendu au plafond, enroula son cou autour d'un second cristal pendant que le bout de sa queue délogea du plafond celui où il était accroché jusqu'alors, avant de le projeter vers le sol qui commençait à se mouvoir péniblement. Un second râle exaspéré jaillit des entrailles de la terre. Ce deuxième assaut fut suffisant pour achever l'exaspération de cet ennemi invisible qui se décida alors à se manifester. Détruisant les cristaux autour de lui, ouvrant le sol sur sa masse imposante, un Séracrawl d'Hisui apparut, gigantesque et menaçant. Il semblait bien plus gros que la moyenne des pokémons de sa taille. Hilda le jaugea un instant :

"Je ne pense pas que le cri de tout à l'heure venait de lui. Nous ne sommes pas assez profond. Malgré tout il nous faut l'abattre vite. Un sale coup de sa part et il nous enseveli tous ici, et il en sera bien moins affecté que nous!"

Le Séracrawl rugit derechef avant de planter ses lourdes pattes avant dans le sol. Ses pattes arrière quittèrent la roche de la grotte et la gigantesque silhouette plate du monstre se dessina devant eux : il avait entreprit de faire le poirier pour pouvoir mieux s'écraser de tout son long sur le groupe d'aventuriers qui pouvaient, pour le moment, contempler leurs reflets dans la surface réfléchissante du dos du monstre. Hilda siffla, claqua des doigts et joignit les deux mains ensemble. Friede s'élança devant elle et poussa un rugissement féroce qui l'enveloppa d'une aura bleutée. En dépit du manque de chorégraphie qui accompagnait son acte, il s'agissait bien là d'une Danse Draco. Elle ne bougea pas d'avantage. Quant à Piccolo, il s'enroula autour du corps de la dragonne, comme pour la soutenir, et ferma les yeux à mesure que des petites touffes blanches lui apparurent sur le corps et sur celui de son alliée. La Cotogarde renforcerait peut être moins sa défense que si il avait été seul à en bénéficier, mais cela serait suffisant. L'idée était simple: Puisqu'il était si immense qu'il couvrait presque toute la largeur de la grotte, et puisque le terrain dans leur dos était trop accidenté pour fuir, il fallait profiter de la lenteur de l'assaut du Seracrawl pour se mettre en position, attendre qu'il s'effondre sur eux, et l'interrompre dans son mouvement à la force de ses propres pokémon. Si cela fonctionnait, il serait alors aisé pour le groupe de contre-attaquer puisque leur adversaire allait se voir bloqué dans son mouvement les quatre fers en l'air.

Le corps massif du Séracrawl entama sa chute.

Le monstre s'arrêta en cours de route, bien avant de n'avoir atteint de lui-même la tête brandie de Friede, la Tranchodon chromatique. Un rapide coup d’œil de Hilda à l'attention de son partenaire lui suffit à comprendre ce qu'il était en train de se passer. Il voulait le capturer, et chargeait une attaque destructrice. Très bien, elle n'y voyait pas d'objection. Après tout le mettre simplement KO signifiait risquer qu'il ne se réveille plus tard et ne leur pose un souci sur le chemin du retour. Mais dans le doute, et compte tenu du danger que représentait ce monstre dans un environnement si étroit et si instable, il valait mieux s'assurer que la ball qu'il allait lancer serait la bonne. Car en cas d'échec, la déferlante sismique qui s'en suivrait n'augurerait rien de bon.

Alors que l'aura pourpre qui enveloppait le colosse faiblissait, marquant les efforts considérables que les deux pokémons psy devaient mettre en œuvre, Hilda réagit:

"Immobilisez-le ! Draco-charge, Ligotage! "

Le monstre draconique s'élança sans une once d'hésitation. Le pas lourd de sa course sur le sol rocheux de la grotte fit trembler les murs et, lorsque sa hache crânienne se figea dans le gigantesque miroir glacé qui s'offrait à lui, le rugissement plaintif du Séracrawl se répandit dans toute la caverne. Une nuée de Nosferaptis apeurés quittèrent la grotte aux cristaux bleus dans un mouvement de panique auquel Hilda et ses pokémon ne réagirent pas. De son côté, Piccolo s'élança dans un mouvement sinueux entre les pattes de son partenaire avant de s'élever au niveau du ventre de sa proie. Il était trop court pour envelopper toutes les pattes du Séracrawl d'Hisui, mais il pouvait se positionner autour de son cou et de ses membres antérieurs. Ce qu'il fit. Et alors qu'il resserra de toutes ses forces son étreinte, une titanesque toile de lianes jaillirent de son dos et s'enroulèrent autour du corps du géant. D'autres se plantèrent dans les murs, s'enroulèrent autour des cristaux de la grotte, le suspendant dans une prison végétale flottant à quelques mètres du sol.

Le Séracrawl rugit, se débattit, mais rien à faire. En temps normal et compte tenu du poids du monstre, de simples lianes n'auraient jamais été suffisantes pour suspendre un tel mastodonte dans les airs. Mais ainsi assistés les Solaroc et Séléroc n'auraient désormais plus le moindre mal à maintenir leur emprise psychique sur le monstre. La voix était libre, un boulevard dans lequel Altar n'avait qu'à s'engouffrer s'il voulait mener son entreprise à bien.

Monstrum.

Altar se permit de sourire. L'aide apportée à ses deux météores par le dragon à tête d'hache et la créature serpentine le rendait exalté. Le Séracrawl d'Hisui était, pour ainsi dire, fini ! Sa piètre vie de Pokémon sauvage arrivait lentement à son terme tandis que, tel un acteur d'une pièce mirobolante, une toute nouvelle épopée théâtrale s'ouvrait à lui. Altar serra fort sa Chrono Ball avec sa poigne puissante et la lança en l'air avant de la rattraper avec sa main gauche, levant le pied droit et inclinant son torse musculeux en arrière. Puis, un mouvement de balance. Tel un coup de poing asséné par un boxeur participant à plusieurs tournois nationaux, il utilisa sa poigne, force physique naturel, son mouvement balancier, sa position et sa superbe précision pour envoyer l'outil de capture vers la bête de glace.

Au même moment, Gemma brilla d'une lueur blanchâtre qui aurait aveuglée quiconque y resterait trop longtemps confronté. Cette lueur blanchâtre se concentra en une espèce de matière rocheuse et lumineuse, puis se dirigea à grande vitesse vers la créature visée avec une précision aussi bonne que celle de son dresseur (pour ne pas blesser les Pokémons d'Hilda et leur coup de main bien avisé). Le rayon à la fois multicoloré et dénué de toute nuance percuta avec violence le Séracrawl, ce qui le fit pousser un profond gémissement de douleur; le pire étant que ce rayon s'acharnait ! Aucune pitié ne devait être ressentie néanmoins car le repos vint assez vite: le temps tournait.

Tic. Tac. Tic. Tac. Tic. Tac. Tic. Tac.

La Chrono Ball atteint le béhémoth et commença a tiquer dans tous les sens, représentant les mêmes bruits insupportables et monotones que le chronomètre de son possesseur. Elle tanguait d'un côté, puis tic. Elle tanguait de l'autre, puis tac. Ceci dit, à la différence de la montre à gousset du moustachu, elle s'arrêta de bouger. Le visage sérieux et froid d'Altar ne trésaillait pas. Il restait concentré, il restait dur, il restait impassible. Était-ce suffisant pour capturer le bougre ? Est-ce qu'une telle créature se laisserait domptée ainsi ? Non, car elle commençait à sortir. Ceci dit, à la micro-seconde où la Ball commença à s'ouvrir, les Météores intervinrent avec leurs pouvoirs psychiques pour bloquer le mécanisme.

Ting.

Encore une fois, l'intelligence battait la force brute. Altar se pencha pour ramasser son compagnon et remercia fièrement ses Pokémons. Il ajouta, à l'encontre de la Légende d'Unys: Pardonnez-moi de ne pas avoir communiqué mes intentions plus tôt. Je vous suis reconnaissant de votre soutien.. Comme pour ne pas perdre de temps, car c'était le but aussi, il vint se placer devant les trois entrées et émit une hypothèse: Nous pourrions nous séparer, mais sans connaissance suffisante de la terre où nous nous trouvons, ce serait dangereux. Restons ensemble. Il analysa ensuite chaque entrée.

Tout d'abord, les cristaux bleus semblaient chargés d'une énergie électrique. Le mégalithe s'en rendit compte lorsqu'il se prit un coup d'jus à leur contact. Des électrolithes... lâcha-t-il, pensif. Vous vous rappelez certainement de la grotte du même nom, au dessus de la Route 6 ? Je ne pensais pas trouver d'autres grottes jonchées de cristaux et rochers électrifiés. Lyndis est décidément une terre bien curieuse... Et avec un sens de l'humour très présent. Donner un tel endroit à nous autres unysiens, quelle idée farfelue !

Il posa ensuite son regard sur les cristaux verts. Ceux-ci semblaient accompagnées d'une sorte de mousse, avec une odeur plutôt désagréable et, pire que tout, une sensation mouillée et moite. Comme si de l'air se renouvelait en boucle tout en restant coincé. Le terrain humide qui s'étendait devant eux ne donnait pas envie au chef du Pacte, mais il se garda de donner son opinion: Une route qui doit être rongée par les insectes et Pokémons appréciant de l'air. On pourrait croire que c'est forcément un mauvais choix puisque qui dit air ne dit pas profondeur, mais en vérité il pourrait y'avoir d'autres renfoncements plus loin. Ne crachons pas sur cette possibilité.

Enfin, les cristaux blancs. Rien de spécial ne pouvait être remarqué quand à leur apparence, mais ils provoquaient un froid crispant. Le Solaroc se rapprocha de son dresseur par réflexe, et celui-ci renchérit: Un passage qui mène au froid. Je me demande quel genre de mystères il renferme pour que le froid soit si intense... N'ayez crainte en tout cas, je suis sûr que Solis pourra réchauffer l'atmosphère. De plus, vous devez également posséder un Pokémon Feu, n'est-ce pas ? Les conditions de chaque passage ne seront pas un problème. Le vrai problème est de faire un choix, mais je n'ai, pour ainsi dire, pas les moyens de vous aider sur ce sujet. Eux en revanche... Il claqua des doigts. Le Solaroc vint se placer devant l'entrée des cristaux blancs, le Séléroc, devant l'entrée des cristaux bleus et le Strassie devant l'entrée des cristaux verts. Altar afficha un air agacé, il s'attendait à ce que ce soit plus unanime.

Vraiment la pire chose les choix.

Hilda soupira. Pas un soupir agacé ou impatient, non bien au contraire. Un soupir long et maitrisé, comme celui d'un Mokuso après un duel particulièrement difficile. Celui-ci, évidemment, ne l'avait pas été tant que cela. Mais la dresseuse d'Unys mettait un point d'honneur à ne sous estimer aucun adversaire, à ne prendre par dessus la jambe aucun combat, et à user des mêmes efforts et de la même concentration quel que soit son adversaire. Ce soupir, c'était le signe que son cerveau envoyait à son corps pour lui rappeler de se détendre. Pour lui signifier, par la force, qu'il ne le fournirait plus en adrénaline, et qu'il était ainsi inutile de gaspiller son énergie. Un à un ses muscles se détendirent avec une efficacité redoutable. Son sourire revint sur son visage, ses épaules s'affaissèrent, rideau.

En s'avançant, elle posa une main satisfaite sur l'épaule de Friede qui rugit d'affection, tandis que le corps de Piccolo s’enlaça autour de son cou et que son crane vint percuter la joue de sa maitresse avec tendresse. En arrivant à la hauteur de son interlocuteur, elle secoua négativement la tête à sa première remarque. Nulle excuse n'était nécessaire. Dans l'ensemble, Hilda considérait les excuses très souvent inutiles. S'ils étaient sorti indemnes d'une situation délicate, alors ils en étaient sortis grandis. S'il en émergeaient blessés, il revenait de la responsabilité du fautif de faire son possible pour rattraper sa bourde. Dans les deux cas, des excuses n'arrangeaient rien. Les excuses, c'est la fainéantise des coupables. En l’occurrence ils étaient sortis victorieux et ce sans trop de difficultés. Bien entendu, la dresseuse avait parfaitement conscience que les excuses d'Altar, dans la situation présente, relevaient plus de la formule de politesse que d'un réel sentiment de culpabilité. Aussi n'en tint-elle pas cas.

"Le passage blanc."

Déclara-t-elle sans une once d'hésitation en pointant du doigt le Solaroc.

"Il est impossible de dire ce qui nous attend à l'issue de chacun de ces passages..." commenca-t-elle en portant sa main à son menton, "...mais deux choses m'interpellent. De la mousse à main droite. Et, lors de notre combat, des Nosferapti se sont enfuis de main gauche." Ce détail ne lui avait pas échappé. Alors que le Séracrawl rugissait à en faire frémir toute la grotte, ces pokémon qui infestaient toutes les cavités du mondes étaient apparus dans une nuée paniquée. "Dans un cas comme dans l'autre, ce sont des signes de vies. Des signes d'un environnement sain et riche. Si les Nosferapti sont maîtres du passage électrique, alors aucun prédateur n'y rode. Et si la mousse a eu le temps de se développer autour des crystaux verts, c'est que des organismes y ont élu domiciles, si infimes soient-ils."

Son regard grave se posa vers la cavité blanche et froide qui leur faisait face.

"Je me trompe peut-être, je ne suis pas une scientifique au même titre que vous, mais j'ai voyagé. Et d'expérience lorsque quelque chose d'immense et de dangereux rôde, il n'y a que des humains pour être assez fous pour s'en approcher."

Evidemment tout cela n'était que conjecture. Peut-être que les Nosferapti étaient maitres pendant un kilomètre et, après un vide interminable, trouveraient-ils leur proie. Ou peut-être que la mousse elle-même était l'effet du monstre qu'ils chassaient. C'était impossible à dire. Mais Hilda faisait appel à son instinct et, comme elle l'avait dit, à son expérience. A ses tripes. Et quelque chose dans le passage blanc la mettait profondément mal-à-l'aise. Elle savait que les pokémon glace et roches étaient beaucoup plus statiques que les plantes ou les volants. Si ils croiseraient peut-être un Grelaçon ou un Hexagel, elle sentait que celui-ci serait fondu dans le décor et ne chercherait pas à les attaquer, de peur de réveiller ce qui reposait réellement dans cette caverne.

Claritas.

Le regard de l'homme de pierre ne prêta pas attention à Hilda pendant une bonne quinzaine de secondes, et pour cause: Il s'occupait de prélever des échantillons des électrolithes à l'aide de gants en plastique et d'une petite pioche de poche, le type de matériel toujours nécessaire à de l'extraction qu'il est bon de posséder sur soi. On ne pouvait savoir l'utilité que de tels matériaux renfermaient d'un simple coup d'œil, de plus, leurs vertus et affinités avec l'élément en faisait de parfaits noyaux pour électro-stimulateurs et défibrillateurs. Une fois son action terminée, il se redressa et s'épousseta de ses mains, puis il prit place auprès de la Légende d'Unys, laissant sa large stature se développer à ses côtés. Il se concentra sur son bras, le longea d'un coup d'œil et réhaussa son pince-nez. Le passage blanc demeurait l'option sélectionnée. Qu'il en soit ainsi: Il n'irait pas contre les directives de sa jeune comparse, encore moins après lui avoir laissé un choix.

Ramenant sa main droite au niveau de son cœur, la paume posée sur son torse, le Mégalithe rappela ses Pokémons à ses côtés, leur commandant de cette manière de maintenir leur garde haute pour lui. Ce genre de moments intimaient Altar à se questionner sur ses choix de dressage. Ce qu'il aimait, c'était le méthodique, c'était le rigide, le sérieux, le strict, mais pour autant, décidait-il correctement ? De l'autre côté il observait Hilda qui, par son jeune âge et son esprit, avait noué un lien d'affection sincère avec les créatures qui l'accompagnaient. Le lien de l'archéologue ne se basait pas non plus sur de la peur ou de la tyrannie, mais le respect mutuel et froid, l'application de la tache et l'absence de mots pouvaient indiquer le contraire. Alors il se posa quelques secondes (sans pour autant réellement se poser, c'est une métaphore), et il se demanda, pour l'une des seules fois depuis des décennies, s'il avait raison d'agir ainsi...

...Puis il haussa les épaules et se reconcentra sur ce qui était important. Le titan se rendit compte que la relation qu'il entretenait avec ses Pokémons ne serait jamais la meilleure, la plus humaine, remplie de sensibilité ou niaise, mais ça lui allait. La confiance et les résultats étaient là: Ses camarades restaient ses meilleurs subordonnés et un patron ne s'accorde pas le droit de se relâcher. Ils le protégeaient autant que lui ne les protégeait. Certes, il ne l'exprimait pas par des enlacements, des signes d'affections physiques ou des paroles particulières, mais ça ne rendait pas moins sincère leur coopération. Il se craqua donc la mâchoire et, souriant comme un Ectoplasma content de sa connerie, se mit à marcher dans la direction du passage blanc. Il répondit en même temps: Vous faites honneur à votre titre et ce que vous dites est tout sauf vif de sens, on sent que votre voyage vous a grandit. Cependant, j'ai l'impression que vous oubliez quels sont les Pokémons qui trônent majoritairement dans les grottes: Des types Roche. Ces Pokémons qui, pour la plupart, ne mangent pas, ne dorment pas, ne boivent pas, se contentant de vivre paisiblement jusqu'à-ce qu'une irruption les sorte de leur vie tranquille. Ils sont l'antithèse des signes de vie, et justement, les Nosferapti comme la mousse sont des arguments compromettants car nous sommes toujours relativement proches de la surface. Il posa son genou au sol, la main à plat sur le sol. Jusqu'où descendraient ces galeries ? Et si les passages oscillants sur le vert et le bleu s'étendaient bien au delà, jusqu'à un point où ces deux signes de vie en viendraient à disparaître ? Une profondeur et une pression si accablante que les seules créatures vivant dans cette veine seraient celles qui n'ont besoin ni d'oxygène, ni de se pouvoir en nourriture classique ? Mettons... Un Galeking ou un Monthracite.

Mais tout ça, ce n'est pas important. Comme je l'ai dis plus tôt, à moins d'être dérangé, aucun Pokémon de type Roche endormi au plus profond de ces cavernes ne produirait un tel cri. Je suis prêt à parier que ce qui nous attend est tout sauf une créature inanimée, et, dans ce cas, je pense que vous avez raison. Pour être honnête, j'en suis venu à la même conclusion que vous et je serais surpris si notre cible se terrait dans un autre passage. rétorqua-t-il, concluant sur ces mots.

Il testait la porteuse de réalité, l'embêtant sur des points intéressants mais non important, cherchant des points de sa logique qui s'avéraient faillibles. Le membre de l'Assemblée voulait la pousser dans ses retranchements petit à petit, intrigué suite à la première réaction qu'elle eut lorsqu'ils parlèrent de la Team Prisme et de la Ligue. Et puis, lui aussi avait roulé sa bosse. Les grottes, montagnes et les cavités rocheuses signifiaient beaucoup pour lui. Alors s'il pouvait contribuer à l'évolution d'une des plus grandes héroïnes du monde tout en lui montrant son utilité, il n'allait pas se priver.

Hilda écouta religieusement ce que le Monolithe avait à dire. A la fin de son monologue, elle ne put s'empêcher de s'interroger sur les raisons de ces interrogations et de ces agissements. Bien sûr, comme nous l'avons dit plus tôt, ses remarques étaient fondées, et la légende d'Unys avait été honnête quant au fait que sa déduction lui venait d'avantage de ses tripes que d'une exactitude scientifique imparable. Mais alors pourquoi la reprendre et la corriger si c'était, au bout du compte, pour être d'accord avec elle?

Oh, Hilda ne s'en offusquait pas, loin de là. Il lui en fallait plus pour se vexer. Mais elle peinait à comprendre le chemin de pensée. Tout ce que cela faisait, c'était lui rappeler les discours sans fins de la Team Plasma et d'autres politiciens et hommes d'affaires dont elle avait eu l'occasion de croiser le chemin. Des gens qui aiment débattre, discuter, tester leur entourage. Non pas qu'elle soit mal à l'aise à cette idée, elle ne savait en général simplement pas quoi répondre. Aussi se posa-t-elle innocemment le doit sur les lèvres. Des petits cliticlics apparaissant au dessus de sa tête comme pour signifier les efforts mentaux qu'elle mettait en place pour trouver quoi dire.

Puis elle haussa les épaules avec un grand sourire.

"Et bien je suppose que si ça n'était pas le bon chemin, il ne nous restera qu'à explorer les suivants! Procéder par élimination! En attendant, rester sur place ne nous avancera pas dans tous les cas."

Une réponse naïve, simple, simpliste même, qui ne satisferait peut être pas Altar, mais qui était sincère. C'est ainsi que Hilda traitait la réalité. Elle jaugeait, elle expérimentait, et si elle échouait elle recommençait. Pour l'instant, rien ne leur donnait à croire qu'explorer les trois chemins serait inenvisageable. Alors pourquoi mettre cette donnée dans l'équation après tout? Depuis toujours Hilda avait procédé de la sorte. Avancer dans un couloir, se rendre compte que c'était un cul de sac, rebrousser chemin, se faire bolosser par des Chovsourir, trouver un autre cul de sac, et ainsi de suite. La différence était qu'ici, dans cette grotte perdue au milieu des montagnes, les dresseurs qui se dressaient sur sa route avaient été remplacés par la promesse d'un monstre terrifiant et inconnu à la fin.

L'air guillerette, elle s'avança d'un pas décidé dans le couloir aux cristaux blancs. A la seconde où ses pieds dépassèrent le premier, sa peau ressentit le frisson d'un courant d'air glacial et se félicita intérieurement de s'être aventurée dans les montagnes aussi couverte. Elle se retourna vers Altar, hésita à lui proposer de sortir son Pyrax pour les réchauffer, mais constata que le Solaroc de ce dernier faisait amplement l'affaire.

A main gauche, Friede rugit péniblement. La Tranchodon commençait à voir ses mouvements handicapés par les cristaux de plus en plus nombreux sur son chemin. Hilda se tourna dans sa direction, comprit le message et sortit la pokéball de son amie pour l'y réfugier. Les Dragons, ca n'aimait pas le froid. Piccolo non plus, mais sous ses airs fainéants et détachés, il refusait de laisser sa maitresse sans surveillance.

*eh bien eh bien... Ca fait longtemps qu'on a pas eu de visite dans le coin.*

Hilda se retourna vivement, main sur la ceinture. Les paroles n'avaient pas été prononcées, leurs son n'avait pas rebondi sur les parois fraîches de la grotte jusqu'à leurs oreilles : elles s'étaient directement imprimées dans leurs esprits, à elle et à Altar, et ils les avaient parfaitement comprises.

Devant elle se trouvait un Lipoutou. Ou plutôt le visage d'un Lipoutou. En effet, le corps tout entier du pokémon psy était figé dans un pan du mur entièrement recouvert de glace, et seul le masque circulaire et violet foncé de son visage dépassait. Bien que l'on distinguait l'accroche de ses cheveux et le début de ses épaules par transparence, le pokémon avait ainsi un air d'assiette accrochée au mur. Une assiette particulièrement disgrâcieuse. C'était un Lipoutou tout de même...